Elisabeth Le Borgne, critique d'art
Invités d'honneurs : Sylvie MORTAIGNE-BARDET, peintre
Gilbert LANDTHALER, sculpteur
Sylvie MORTAIGNE-BARDET, peintre :
« On expose, on s'expose »
Pour Sylvie Mortaigne Bardet, être l'invitée d'honneur du 42ème Salon de Printemps de Saint-Aubin-lès-Elbeuf est... un honneur ! C'est pourquoi elle a choisi de ne nous montrer que des nouveautés ou presque, ce qui, du reste, va dans le sens de sa philosophie : avancer constamment, éviter de se répéter, ne pas tomber dans l'illustration, faire rêver le public, dire simplement les choses essentielles de la vie, raconter des histoires qui donneront lieu à de belles communions d'âmes... En bref, il est important pour elle de proposer des choses nouvelles à chaque Salon, au moins quelques-unes. C'est une question de respect. De soi-même et du public. C'est ainsi que nous pourrons, du 17 au 25 mars 2018, admirer un triptyque en grand format dédié à l'hiver et à la neige, commencé en été, dans une chaleur caniculaire. Un moyen de se rafraîchir le cœur et les sens peut-être ? La neige est tout soudain devenue une sorte d'obsession. Comment peindre la neige, comment dire ce qu'elle est ?
Le végétal et les oiseaux (mésanges, hirondelles...) de son enfance seront aussi très présents dans l'ensemble de l'œuvre. D'une manière générale, d'ailleurs. Symboles d'une grande liberté, ils sont liés à de vieux souvenirs. Végétation et oiseaux sont aussi prétextes à exprimer des sentiments. Toutes les toiles montrées ici comporteront au moins un oiseau. Ces oiseaux dialogueront entre eux d'une toile à l'autre, entre graphismes, matières, textures, couleurs et constructions, figuration (à la façon de l'artiste) et abstraction. Ce bel hommage à la nature est encore empreint d'une grande émotion qui permet de faire passer bien des messages, de manière inconsciente parfois. Pour cette exposition, Sylvie Mortaigne Bardet dessine ses oiseaux au crayon, directement sur la toile, avant même de faire un fond. Elle structure son travail et cela la rassure. Chaque toile peut fonctionner seule, mais elle peut aussi parfaitement fusionner avec toutes les autres. Chacune suivra son propre rythme dans une grande variété de paysages.
En général, l'artiste se lance directement dans l'aventure, varie les textures, associe l'ancien et le moderne, l'acrylique qui ne laisse pas passer les U.V., une autre qui donne de la transparence à l'ensemble, et des pigments naturels qu'elle utilise depuis peu. Elle a toujours fait des mélanges, refuse les acryliques toute prêtes ou l'huile qui ne sèche pas assez vite à son goût. En ce moment, elle varie les épaisseurs, gratte sa peinture, en remet, teste, s'efforce de dompter la matière sur la toile, une toile qu'elle n'a adoptée que depuis cinq ans. Avant cela, elle travaillait toujours sur papier. Bien que peignant et dessinant depuis l'enfance, Sylvie Mortaigne Bardet ne présente son travail en public pour la première fois qu'en 2008. Une première vente l'encourage à proposer ses œuvres au Salon de Maromme en 2013 où son travail trouve une nouvelle fois attention et acquéreur ce qui assoit mieux encore sa confiance en elle-même. Depuis, elle expose régulièrement son travail.
Petite fille -alors qu'elle s'entraîne à voler comme les oiseaux- elle est constamment insatisfaite de son univers. C'est pourquoi elle a envie de s'en créer un autre, empli de beauté. Elevée à la campagne, elle se nourrit de couleurs, d'odeurs, de vent, de sensations et de lumières, pour transformer les gris en arc-en-ciel. C'est son arrière-grand-mère qui lui offre sa première boîte de peinture à l'eau. Crayons et stylos lui permettent aussi de recopier des choses « banales » ou des animaux qu'elle construit volontiers en papier également, voire de véritables fermes. Sans doute l'ignore-t-elle alors : ses toiles d'aujourd'hui sont déjà en préparation. Jeune adulte, elle suit les cours du peintre Denis Godefroy qui lui apportent beaucoup. Il ne s'agit pas de cours académique, mais d'une constante réflexion sur la peinture, alimentée par les livres. Elle admire Rembrandt, Giacometti, Klimt, Bonnard, Denis... Elle aime la lumière et le clair-obscur. Elle est attirée par ce qui est sombre.
Pour obtenir les teintes souhaitées, elle utilise le noir ou le marron, le brou de noix, le clair et l'obscur. Avec Denis Godefroy, elle dessine beaucoup, souvent sur le motif, sous un saule, rue Eau-de-Robec. Elle a peu de temps pour camper une nature morte. Pas plus de dix minutes. L'œil et le geste doivent marcher de concert. La feuille reste d'abord blanche, puis l'artiste s'y met, à la mine de plomb, au crayon, au graphite, avec lesquels elle obtient de très beaux gris ou noirs. Le groupe travaille aussi dans la nature où elle apprend encore, de son professeur, de ses camarades, élèves en architecture ou aux Beaux-Arts, des synthèses qui ponctuent chaque cours. Cela dure six ans, puis des années durant, elle ne fait plus grand-chose. Jusqu'au jour où elle travaille dans une crèche, avec de jeunes enfants. Elle se met alors à décorer la crèche avec de la couleur. Nous sommes en 1997. Mais ce n'est qu'à partir de 2010 qu'elle reprendra vraiment les pinceaux.
Cette fois, elle travaille énormément. Chez elle, la peinture est systématiquement associée à la poésie et à la musique, toutes deux très rythmées. La poésie -notamment celle de Prévert- l'habite souvent quand elle peint. C'est pourquoi ses titres ne sont jamais choisis au hasard. Cependant, autodidacte, elle doute en permanence de son talent. Un artiste œuvre seul et souffre d'isolement. Ce n'est pas simple d'échanger quelques secrets de cuisine avec des confrères (sauf avec les plus grands qui n'ont plus rien à prouver). Elle le regrette. Elle a du mal à se sentir « libre ». Les écoles apportent ou prennent, mais elles forment les élèves, et ceux qui ne les ont pas fréquentées se sentent souvent complexés. A tort ou à raison. Elle connaît parfois des périodes d'angoisse, de doute total. Rien de plus normal. C'est là le lot de tout artiste digne de ce nom.
Aujourd'hui, Sylvie Mortaigne Bardet s'efforce de se détacher du motif. Très attachée aussi à la photographie qui permet un beau travail autour de la lumière, elle essaie de l'utiliser, puis de s'en libérer pour passer à autre chose. Mais elle ne se sent pas photographe. Elle tente encore les gribouillis de l'enfance (qui n'en sont pas). Elle a également eu une période abstraite qui lui permettait de parler de la pluie, par ex. « L'abstraction part toujours d'un élément figuratif », nous confie-t-elle. Elle nous parle maintenant des choses de la vie, des saisons qui chacune contient mort et renaissance, de la joie, de la tristesse, de l'humour, du vide, d'un monde qui marche sur la tête. Elle se raconte et nous raconte des histoires. « La difficulté, conclue-t-elle, c'est d'avancer vers le point final. Au bout du cheminement on a peur de rater, de déraper, il faut résoudre ce genre de problème. C'est terminé quand l'émotion a atteint son maximum, quand on décide qu'on ne pourra pas faire mieux, techniquement, par ex. »
Elisabeth Le Borgne, critique d'art, écrivain
Gilbert LANDTHALER, sculpteur :
Hommage à la nature
Tôt attiré par les arts-plastiques, Gilbert Landthaler a d'abord peint. Mais, il l'a vite senti, la peinture n'était pas sa voie. Il est devenu sculpteur presque par hasard, lorsqu'il a découvert la maladie des ormes qu'il a dû abattre dans le Cantal à la fin des années 80. Ce faisant, il s'est aperçu que les racines et les troncs de ces arbres avaient souvent des formes extraordinaires qu'il a eu envie d'utiliser sur un plan artistique. La sculpture est bientôt devenue un moyen d'expression qu'il a soigneusement exploré au fil des années, s'attachant avant tout aux matériaux naturels qui, décidément, présentaient à l'état brut des formes très intéressantes. L'artiste a eu d'abord une période « bois » (bois flotté, morceaux de bois que les tempêtes avaient arrachés aux arbres etc.). Puis, ayant appris à mieux observer les pierres volcaniques du Cantal, il a eu envie d'associer ces pierres -et un peu plus tard, d'autres pierres- au bois. Vint ensuite une période « animale » qui lui permit d'allier bois, pierre, os et corne par ex.
Le temps passant, de nouveaux matériaux vinrent enrichir l'ensemble, comme le métal, la résine ou le mortier, selon les besoins des pièces. Egalement proche de la littérature et de l'écriture, l'artiste eut enfin l'idée d'ajouter quelques poèmes ou proses poétiques à ses œuvres qu'il travaille parfois en séries, lesquelles, jamais terminées, ne cessent de se développer avec les années. Il y eut par ex. « Faiblesse des appendices » qui met l'accent sur le nez, la queue et le pénis. Puis, « Les trois mondes » (végétal, minéral, animal) et les « Cadrages », sculptures plus ou moins encadrées. En ce moment, il œuvre sur des « Bronze ersatz » qui ont l'aspect du bronze sans en être. La 9ème pièce de la série est actuellement en cours. Série qui sera représentée au 42ème Salon de Printemps de Saint-Aubin-lès-Elbeuf parmi les 10 pièces exposées. L'association bois, pierre, animal et poésie a donné naissance aux sculptures NaNa, assez proches de l'art primitif : Naturalistes et Narratives.
La sculpture NaNa suit un cheminement en quatre étapes :
1 - Recherche de matériaux naturels au cœur des trois mondes : minéral, végétal et animal
2 - Exploitation des formes de manière à les marier de façon la plus harmonieuse possible, tout en construisant une histoire guidée par le dessin et l'écriture. Alors, le thème se dévoile, la plupart du temps autour de la figure humaine, particulièrement chère à l'artiste, avec ses nombreux questionnements par rapport à elle-même et à tout ce qui l'entoure.
3 - Réalisation de la sculpture : assemblage, mise en scène, union des matériaux (acier, mortier, débris de plage, corde, verre, bois flotté, os, galets, pierre volcanique, limaille de fonte oxydée, cire à cacheter, etc.
4 – Exposition
Gilbert Landthaler montre son travail en public depuis le début des années 90, encouragé par un premier prix obtenu avec sa toute première sculpture « Genèse », embryon humain « extrait » d'une grosse souche d'orme. Les expositions se succèdent ensuite et il y est fréquemment invité d'honneur. Les années qui précédent sa retraite, en 2011, au terme d'une carrière de néphrologue-pédiatre au CHU de Rouen, lui permettent peu de travailler son art, mais depuis qu'il est retraité, il s'y consacre à plein temps et sculpte environ 13 à 15 œuvres par an.
Gilbert Landthaler a été membre de l'Atelier Normand Création de 1994 à 2005, puis à partir de 2014.
Il est aussi sociétaire du Salon de Rouen depuis 1997 et membre du Comité depuis 2015 (Responsable de la sculpture). Il a obtenu de nombreux prix en Normandie au fil de sa trentaine d'années de carrière. Ses expositions de groupe les plus marquantes sont « Les Voix de l'arbre » (1991) qui réunissaient 7 sculpteurs sur bois à la Chapelle du Carmel (Bois-Guillaume) dont Dilhac, Daön, Boquet, Godefroy, Ouared. Et la Rencontre Internationale de Sculpture Contemporaine (1992) au Musée Nicolas Poussin des Andelys. En cette année 2018, outre le 42ème Salon de Printemps de Saint-Aubin-lès-Elbeuf, cet érudit qui ne se prend pas au sérieux est aussi invité d'honneur au Salon de Le Thuit-Signol (du 17 au 25 février 2018) et participera au Salon Rouen National Art et au Salon de Saint-Jean-du-Cardonnay (les 10 et 11 mars 2018).
Elisabeth Le Borgne, critique d'art, écrivain
Invité d'honneur : Christophe B. Avril
Depuis toujours Christophe B. Avril dessine et peint, c'est à Rouen où il vit depuis une quarantaine d'années, qu'il fait une rencontre décisive. En 2010, à la faveur d'une manifestation artistique Place Lieutenant Aubert à Rouen, il croise Michel ABDOU et lui montre son travail. Ce dernier l'encourage, le conseille et cette bienveillance, donne de l'élan à l'Artiste qui persiste et affirme sa patte qui lui vaut d'être reconnu entre tous. Utilisant l'encre, l'aquarelle, la gouache ou l'acrylique, le sepia monochrome, le noit et le blanc ou la couleur, il rend compte avec beaucoup de sensibilité et d'originalité du milieu urbain entre autre. L'omniprésence de la ligne droite n'exclut pas la rondeur et le rendu de la profondeur de champ donne envie de flâner et de découvrir ce que Christophe B. Avril ne fait que suggérer.
Depuis 2010 Christophe B. Avril enchaine les salons et multiplie les récompenses. Quatre prix en 2014, six pour 2016 dont celui très recherché deb la ville de Maromme. En 2017, il fait acte de candidature au salon des Artistes Français, il est admis et reçoit le Prix d'Aquarelle Henry Bouvrie. Le Salon Violet Paris 2017, et le Salon d'Automne de Paris 2017. Il est admis pour 2018 de nouveau au Grand Paris au Salon des Artistes Français.
Invités d'honneurs : Hasan SAYGIN, peintre - Aliriza KILICASLAN, sculpteur
Hasan Saygin
« La peinture ne s'explique pas. Elle se regarde. »
Né en 1958 à Karamanli, petit village turc proche de la ville de Burdur (Anatolie), dans une famille de paysans, rien ne semblait prédestiner Hasan Saygin à une carrière artistique. Cependant, jeune enfant encore, il sent monter en lui le peintre, griffonnant et croquant incessamment dès que les travaux agricoles ou les études des mois hivernaux le lui permettent. Il n'a que 8 ans lorsqu'il déclare que « plus tard, il sera peintre ». Pourtant, personne ne l'aidera en ce sens, pas même ses professeurs. Bien au contraire. Pensez donc, peindre, ce n'est pas un métier ! Le ton est donné : désormais, en guise de coups de mains, il aura surtout droit aux coups de pieds.
Ce n'est qu'à l'âge de 18 ans qu'il voit un tableau pour la première fois. Sa fréquentation des beaux-arts d'Istanbul lui apporte essentiellement la possibilité de peindre. Il estime ne rien y apprendre vraiment. Tous l'incitent à se diriger vers l'abstraction, ce qu'il ne fera jamais. Obstinément, se fiant à son cœur, il reste figuratif et même réaliste, provoquant son talent d'une toile à l'autre. Arrivé à Paris en 1982, il résiste dans la fourmilière des artistes français et étrangers et présentera ses œuvres une dizaine d'années durant Place des Vosges, à la Galerie 26 aux côtés de grands noms de la peinture : Taylor, Hilaire, Buffet… Cette période est celle des « Hommages » à ceux qui l'ont précédé de la Renaissance au 18ème siècle : Van Eyck, Michel-Ange, Raphaël, Vélasquez, Ingres, …
En 2000, il s'installe en Normandie, non loin d'Etrépagny, et choisit le travail plutôt que les honneurs, refusant catégoriquement de « devenir esclave pour gagner de l'argent ». Pour lui, la technique, la qualité du travail surpassent tout le reste. Le thème ou le message n'ont pas tant d'importance. Plus proche de Dali que de Picasso, il l'aurait apprécié en tant que professeur, tout comme William Bouguereau ou Jean-Léon Gérôme, si longtemps décriés. Volontiers bavard en privé, il aime relater diverses anecdotes liées à ses œuvres. Cependant, en public, il ne prend pas volontiers la parole, sauf - éventuellement- pour un coup de gueule si celui-ci lui semble nécessaire. Son travail – remis sur le billot chaque jour – vaut aujourd'hui tous les diplômes.
Hasan Saygin est avant tout artiste-peintre. Bien que pratiquant le pastel -avec le même talent que l'huile ou l'acrylique qu'il utilise exceptionnellement- il ne se considère pas comme pastelliste. Pour autant, l'artiste ne s'interdit aucune technique. Il est libre et ne se laisse jamais influencer par qui que ce soit. A l'heure actuelle, il peint essentiellement des nus et des natures mortes. Quelques portraits, paysages ou marines aussi. A l'huile ou au pastel. Ses œuvres pleines de poésie et de sensibilité baignent dans une douce lumière qui donne du relief et une belle âme au sujet principal. Ses drapés délicats répondent volontiers aux plis des corps. Les regards sont profonds même si les yeux restent à demi clos.
Cindy est le principal modèle de ses nus. Hasan l'a beaucoup peinte, toujours dans le respect le plus total de la femme qui, éclatante de lumière, semble souvent jaillir de la toile ou du papier comme si la peinture ou le pastel était vivant. Le velouté de la peau est tel que l'on serait tenté de la toucher. Si un tatouage peut lui servir de vêtement, sa nudité ne la rendra jamais vulgaire, le regard porté sur elle étant toujours d'une grande noblesse. Les natures mortes sont elles aussi d'une grande beauté. Stylées, racées, déliées, qu'il s'agisse de bouquets, de fleurs de magnolias, de piments, de mandarines ou de dentelles. Les fonds peuvent être plats, tout noirs ou un paysage, une nappe, un mur…
Nous ne pouvons que saluer le raffinement et l'élégance de l'ensemble de son travail reconnu tant en Albanie qu'à Bodrum (Turquie) et Tivoli, près de Rome, où il présentera bientôt deux pastels. Plus près de nous, à Le Chesnay et à la Couture-Boussey où il sera invité d'honneur cet automne également ou à Boulogne-sur-Mer. Quant à la revue Pratique des Arts, parue en juillet 2017, elle consacre deux pages à son Pastel pas à pas. Il est encore répertorié dans divers catalogues dont celui de la Galeria artolibre en Espagne. Aujourd'hui -hélas- la rareté et le nombre d'heures passées sur une œuvre ne font plus sa valeur, et le public déclare volontiers que la plupart de nos artistes contemporains ne seraient plus capables de peindre d'une manière aussi exemplaire que les grands maîtres des siècles passés.
C'est faux. Simplement, ces artistes réalistes, voire hyperréalistes, n'ont pas voix au Chapitre de la grand-messe contemporaine. C'est bien dommage car ils ne démériteraient en rien aux côtés d'installations ou autres vidéos. Fort heureusement, le dessin semble refaire surface peu à peu ici et là. Le palpable redevient (un peu) visible. La réalité quotidienne a certes de quoi effrayer de nos jours, mais n'aurions-nous pas besoin de l'affronter pour mieux l'appréhender ? La fuite n'a jamais fait reculer le danger… Nous pourrions inviter les détracteurs de la peinture d'Hasan Saygin à prendre les pinceaux afin de nous montrer de quoi ils sont capables. Nul doute qu'ils auraient bien du mal à faire aussi bien que lui.
Aliriza Kilicaslan
Archéologue de la mémoire humaine
Aliriza Kilicaslan partage avec le peintre Hasan Saygin ses racines turques et des études aux Beaux-Arts d'Istanbul (bien qu'avec un décalage de quelques années), suite auxquelles les deux artistes se sont rendus à Paris, puis en terre normande. Un chemin parallèle donc, mais dans des circonstances différentes. Arrivé à Paris, Aliriza Kilicaslan s'est formé aux Arts-appliqués en sus de sa fréquentation de l'Académie des Beaux-Arts. Puis il est devenu enseignant tout en continuant de peindre. Parallèlement à son cursus en arts-plastiques, il a suivi des études de communication et de marketing qui lui ont permis de créer sa propre société et de collaborer à des projets événementiels grâce auxquels il a pu beaucoup voyager à travers le monde et même participer à diverses expéditions scientifiques qui lui ont donné accès à une certaine initiation artistique aux côtés de peuplades dites « primitives ».
C'est à l'époque de ces voyages (notamment en Colombie britannique, en Alaska, en Sibérie, aux îles Svalbard, au Groënland, en Asie centrale, en Afrique et Amérique du Sud dans les années 1995/1996) que l'idée de créer des œuvres à partir de bois flottés commence à le tarauder. A partir de bois d'épaves récoltés sur les plages du bout du monde et d'objets trouvés, il développe un style personnel et coloré pétri de fantastique, de surréalisme et de symbolisme où l'esprit de la nature reste omniprésent, s'appuyant constamment sur ses propres introspections et les traces laissées par les anciens, celles des origines de l'homme. Chez lui, « le passé s'invite au présent dans les ruines du temps et des cultures. » Ce long parcours a pris pour l'artiste des allures d'odyssée, raison pour laquelle, s'il montrait ses peintures de longue date, l'exposition de ses sculptures remonte seulement à quelques années.
Aliriza Kilicaslan présente en effet sa peinture au public depuis les années 80, plus particulièrement en France, en Belgique, en Allemagne et en Turquie. S'il l'a laissée de côté à l'ère de son entreprise et de ses voyages, il rattrape le temps perdu auprès de la grande famille des artistes avec ses sculptures depuis l'invitation de Gilles Manson et de son étonnante association Les Déjantés en 2015. Très attaché aux relations humaines, aux secrets de l'être humain (et donc à son intimité), il enrichit son regard et stimule sa créativité en titillant ses congénères, naviguant volontiers entre la France et sa Turquie natale. S'il s'inspire des arts indigènes, Aliriza Kilicaslan s'emploie à les réactualiser pour mieux attirer la curiosité du public d'aujourd'hui.Toujours en quête de vestiges, il se livre à sa manière à une sorte « d'archéologie de la mémoire de l'homme. »
A travers leurs jeux de lignes et de volumes ou leurs nœuds de cordage, les sculptures poétiques autant que fragiles de l'artiste traduisent de délicates expressions. Leurs taches de couleurs, parfois en relief, semblent jaillir de profondeurs mystérieuses, puissantes énergies puisées au tréfonds de l'animal comme en celui de l'être humain. La démarche est totalement instinctive, spontanée, traduite à travers différentes écritures, rythmes et rencontres de formes pas toujours si aisées à assembler. D'aucuns voient dans ses sculptures un bestiaire imaginaire, des objets biscornus ou des personnages fantastiques, des pièces abstraites et insolites avec leurs rayures et leurs aspérités, ou leurs évidements qui semblent quelquefois se déplier comme un éventail tout léger, la présence intemporelle de l'homme, toutes les apparences de la vie. L'ensemble de l'œuvre qui n'aime guère la répétition est une synthèse de ce que son auteur a accumulé en lui au fil de son existence. Entre autres bien sûr, de tout ce plaisir qu'il a mis à la construire.
Invité d'honneur : Denis RIFFLARD
Autodidacte, Denis Rifflard privilégie l'indépendance de styles et de vues. Il apprécie les chemins détournés de l'intention première et a un peu de mal à suivre des cours qu'ils soient académiques ou non. Modeste, l'artiste nous confie que « peut-être sa tournure d'esprit et son manque de formation donnent-ils une originalité particulière à une œuvre empreinte tout à la fois de ses forces et de ses faiblesses. » Originaire d'Amiens où il vit et travaille aujourd'hui encore, l'artiste a toujours dessiné, explorant toutes les formes du dessin. L'aquarelle a aussi eu longtemps ses faveurs, dans des genres très divers, plutôt figurative et essentiellement dans un cadre purement familial. Il peignait surtout des marines ou des paysages classiques, souvent assez déserts, toujours dénués de personnages où il était par-dessus tout question de rendre une certaine atmosphère. Aujourd'hui, il ne pratique plus l'aquarelle ou très peu. Il compte cependant en présenter deux lors du Salon de Printemps de Saint-Aubin-lès-Elbeuf.
Son goût du dessin lui a également fait prendre dans sa jeunesse la voie de la BD publicitaire, aquarellée parfois, et du dessin de presse humoristique ou publicitaire. De longues années durant, il sera pigiste pour des journaux picards et parisiens qui publieront ses œuvres. De cette période -hélas révolue- lui reste désormais le goût du trait et du graphisme. Après une carrière technique dans le cadre d'une entreprise picarde renommée où l'on fabriquait du « Velours d'Amiens » de haute gamme, Denis Rifflard a repris brosses, couteaux et pinceaux. Depuis une douzaine d'années, il a adopté l'acrylique, quelquefois aquarellée, dont il apprécie la souplesse pour peindre sur toile, panneau ou papier épais des paysages urbains ou floraux peut-être un peu plus figuratifs qu'à une époque donnée, son œuvre ayant connu un bref passage abstrait. Son travail actuel, dont la palette se limite à 5 ou 6 couleurs, reste cependant entre figuration et abstraction.
Tout part de pigments organiques « quinacridone » (orangés et or), du bleu primaire, du blanc, parfois un peu de Bordeaux ou de jaune selon les besoins. Le sujet – ruelles ou rivages qu'il réinvente « en laissant la part belle aux couleurs, à la lumière et à la transparence » n'est que prétexte à « l'interprétation esthétique qui peut en être faite ». Une technique qu'il renouvelle à plaisir pour mieux entretenir le bonheur de peindre. Pour lui, une toile est un chemin qu'il suit à son rythme. Il produit peu et cela lui convient. Il n'envisagerait pas, par exemple, de préparer plusieurs expositions en même temps. Il se définit comme « besogneux » au sens noble du terme. Il aime le travail fini et est donc un tantinet perfectionniste. Juste ce qu'il faut… Peu amateur d'art contemporain, il porte son intérêt vers un artiste tel que Balthus dont il admire la personnalité plus encore que l'œuvre. « Son roman d'existence m'a interpellé », souligne-t-il. Chez des artistes moins réputés, il apprécie aussi l'esthétique de Daniel Gélis, de Jean Arcelin ou le côté BD de l'œuvre de Julian Taylor.
Depuis la fin des années 2000, il prend plaisir à exposer régulièrement son travail dans le cadre de Salons picards et -de plus en plus – normands dont il salue la qualité et la convivialité. Pour n'en citer que quelques-uns : le Salon du GALA à Albert (Somme) qui lui a mis le pied à l'étrier, le Manoir de Briançon à Criel-sur-mer, l'Abbatiale de Bernay, Vandrimare, Elbeuf, La Londe, Morgny-la-Pommeraie… Il lui arrive aussi d'exposer au Havre chez Pascal Frémont. Nous le retrouverons avec grand plaisir ce Printemps, en tant qu'invité d'honneur de la SAEBS, à la Salle des Fêtes de Saint-Aubin-lès-Elbeuf.
Invités d'honneurs : Esti LÉVY et Sam PHIL
La liberté du regard
Esti Lévy a grandi en Israël où elle a suivi ses études et, dès sa plus tendre enfance, noué des liens privilégiés avec toute forme d'art (dessin, chant, danse…). Elle est arrivée en France en 1975 où elle a fréquenté les Beaux-Arts de Paris sous la conduite d'excellents maîtres tels que Yankel et Segui, au sein d'un extraordinaire brassage culturel qui, aujourd'hui encore, nourrit son travail, tout comme le soleil d'Israël qu'elle rapporte régulièrement dans ses valises afin d'en inonder ses toiles. Là-bas, elle a bien sûr abordé d'abord la figuration, différentes techniques et valeurs avant de se consacrer quelques années à une abstraction dénuée de couleur, contrairement à aujourd'hui, par ex., où elle fait exploser les couleurs entre abstraction et figuration. Chez elle, rien n'est vraiment précis. Ni les personnages, ni les buildings. Chacun peut y voir ce qu'il désire et c'est là le but recherché par l'artiste : donner au public une grande liberté de regard. Toutes les toiles portent un titre, mais ces titres eux-mêmes restent très ouverts.
Pour peindre, à l'heure qu'il est, elle utilise l'acrylique, exclusivement. L'huile et les pigments broyés, utilisés autrefois ne lui conviennent plus. L'acrylique est mieux adaptée à sa peinture spontanée qui forme des couches successives, faisant la part belle à la transparence, allant tout droit vers la densité voulue. Cependant, elle continue de faire ses couleurs elle-même. Les signes et écritures font également partie de son œuvre. Ils ne sont jamais très lisibles. Ils ne sont pas faits pour être lus. En revanche, ils apportent un bon rythme à la toile qu'elle prépare toujours elle-même de A à Z, n'achetant que les châssis. Généralement, elle réalise ses dessins directement sur la toile. Elle les retravaillera un peu plus tard avec diverses techniques. Le reste, c'est son affaire… Esti Lévy est également graveuse, ce de longue date. Depuis quelque temps, elle a tendance à appliquer ses gravures par collages sur ses toiles. Nous aurons quelques exemples de cette technique à Elbeuf cet automne.
Esti Lévy aime à réinventer le réel à travers la couleur, les formes, les esquisses de figures. Elle n'a de cesse de cultiver l'harmonie, l'allégresse et la joie de vivre qui lui sont si chères et qu'elle s'efforce de transmettre aux autres. L'artiste aime exposer et présente souvent son travail depuis une trentaine d'années dans de nombreux Salons, à Paris, en France et à l'étranger, mais aussi en galeries (4 sur Paris et 1 au Luxembourg). Pour elle, il s'agit là d'une manière de se mettre en examen, en tout cas, face à elle-même. Au Salon d'automne 2016 de la SAEBS (Société des Artistes Elbeuf Boucle de Seine) à la Salle Franklin d'Elbeuf, elle compte présenter ses œuvres de manière très serrée comme si ses toiles étaient des vitraux. Elle a choisi pour l'événement des pièces importantes pour elle, de grands formats qu'elle expose la plupart du temps au Grand-Palais ou au Salon Comparaison.
Autant profiter du bel espace proposé par la Salle Franklin, se faire plaisir et faire plaisir à ses visiteurs !
Sam Phil - Le vide et le plein
Le désir de sculpter démangeait Sam Phil de longue date, mais… il s'est longtemps interdit d'y céder. Peut-être avait-il besoin d'une certaine maturité pour se lancer dans l'aventure. Toujours est-il qu'il a commencé à sculpter vers la trentaine, dans une période où il se sentait particulièrement « libre » de le faire. D'emblée, ses doutes se sont effacés dès qu'il s'est mis à tailler un morceau de bois. Eh oui, il en était capable ! Ces prémices furent pour lui une véritable « révélation ». Peu à peu, la matière et l'artiste se sont découverts et apprivoisés. Et Sam Phil s'est fait sienne la maxime qui dit que « C'est en forgeant qu'on devient forgeron ». Il sculpte toujours en taille directe des pièces en un seul tenant, jouant constamment avec les pleins et les déliés (qui font aussi partie de toute existence humaine), guettant sans relâche ce qui trop souvent nous échappe, mêlant formes et couleurs qui, même à distance, sollicitent nos sens, notamment la vue, le toucher ou l'ouïe. Autodidacte, il s'intéresse par-dessus tout à l'art moderne et à des maîtres tel que Picasso ou Miro.
Chez lui, point de séries. S'attacher à un thème tel que le désespoir ou le côté glauque du monde actuel ne l'intéresse pas. Il réalise plutôt des œuvres dissociables les unes des autres, la plupart du temps en bois peint de couleurs vives, et revendicatives. Parallèlement à la sculpture, Sam Phil s'est aussi dirigé vers le tableau-sculpture que, contrairement à ses sculptures, il peut épingler au mur. Il lui arrive également de tailler la pierre, le marbre, le bronze ou le métal. Sa préférence reste cependant le bois. Tous lui conviennent : tilleul, séquoia, noyer… Tous ont leurs richesses et leurs défauts qui peuvent, dans certains cas, offrir des avantages. Lorsqu'il peint ses couleurs en aplats, il recherche peu l'effet. Il se cantonne à une unité de couleur obtenue via des mélanges qu'il fabrique lui-même. Pourtant, ses œuvres peuvent aussi être bicolores ou multicolores. Rebelle dans l'âme, cet écorché vif ne s'attache guère à l'actualité. Il se laisse guider par ses états d'âme, sa « respiration » par rapport à ce qu'il se passe autour de lui ou à travers le monde, qu'il exprime entre figuration et abstraction.
Son but premier : se surprendre, aller au-delà de lui-même. Pour lui, la sculpture est une forme de résistance à la pression de notre société. Il aime insister sur la technique et multiplie volontiers les vides et les courbes. Lourds et infiniment légers, ses volumes s'entremêlent ou se tissent, peuvent parfois évoquer le Street Art, transmettre -toujours- un message social ou politique à travers des titres souvent très ironiques. D'un naturel discret, il n'aime pas se mettre en avant. Il lui arrive de présenter son travail à travers des Salons, mais finalement c'est assez rare. En Haute-Normandie, nous avons pu le découvrir au Salon de Bonsecours, par ex. Il propose plus volontiers une exposition personnelle, comme il a pu le faire avec son confrère Pierre Magnin, bien connu de tous. Cela ne l'empêche pas de montrer son œuvre un peu partout en France ou à l'étranger, notamment à Rotterdam. Au Salon d'Automne d'Elbeuf-sur-Seine, nous ne pourrons voir que ses sculptures, celles qui évoluent dans l'espace et non celles qui s'épinglent au mur.
Invitée d'honneur : Karine LEMOINE - www.karine-lemoine.com
C'est à l'Académie de Peinture (Rouen), sous la houlette de Christian Sauvé dont elle a régulièrement suivi les cours libres dans la seconde moitié des années 90, que Karine Lemoine a véritablement envisagé la peinture de manière sérieuse. Jusque-là, depuis l'enfance, elle avait toujours dessiné et peint, essentiellement des portraits, genre qui déjà l'attirait tout naturellement, mais s'en envisager d'en faire son métier. Christian Sauvé laissait ses élèves s'exprimer sans les abreuver de discours. Juste quelques mots. Juste l'essentiel. Sa méthode convenait parfaitement à Karine qu'il a ainsi aidée à affirmer ce qu'elle savait déjà faire. Chez lui, elle a découvert le pastel aquarellable, le brou de noix, les encres…, croqué de nombreux nus et bien sûr, des portraits, qu'elle réalisait en tenant compte de la technique employée pour les nus.
Les cours libres duraient environ 2 h 30, une « bonne mesure » pour poser rapidement les bases du travail sur un sujet donné selon Karine Lemoine, qui se consacrait alors - avec tous ses amis rencontrés chez Sauvé - à de nombreuses études sur le vif avec une gestuelle rapide, travaillant les aplats de couleurs en amenant le trait, utilisant au fil des années des outils de plus en plus larges. C'est aussi dans les années 90 qu'elle commence à exposer ses œuvres, notamment aux Salons de printemps de Saint-Aubin-lès-Elbeuf où les critiques positives du poète, écrivain et critique d'art Luis Porquet encourageront sa démarche. L'artiste creuse son sillon. Ses formats s'agrandissent. De nouvelles rencontres viennent enrichir son parcours. De nouveaux modèles ou des confrères, mais aussi des gens de théâtre ou des danseurs.
Les années passent. Karine trouve son miel dans son œuvre de peintre, mais il lui manque quelque chose… Elle a besoin d'ouvrir son art à d'autres arts, de développer de nouvelles techniques, d'aborder la peinture différemment, avec d'autres outils. Sa rencontre avec le théâtre est pour elle primordiale. Au Théâtre de la Foudre au Petit-Quevilly, elle oeuvre à même le sol, sur le vif, au pinceau chinois, dans le cadre d'une répétition de spectacle, par ex. Son travail est filmé et retranscrit sur grand écran. Ce sont de belles expériences humaines qui l'éloigneront de ses habitudes de peintre. Plus tard, elle accompagnera aussi le collectif « Commune idée », projet citoyen qui la confrontera à tout type d'artiste, parfois en situation de handicap. En 2010, elle rejoint les comédiens sur scène et combine peinture et théâtre. Elle se frottera aussi à l'écriture par le biais d'un carnet de voyage étroitement lié à son histoire personnelle.
Depuis, elle s'est essayée à l'acrylique et à de gros crayons pastels, en tous lieux, qu'il s'agisse du salon d'amis, de salles de répétitions ou de maisons d'accueil spécialisé où les pensionnaires sont atteints de lourds handicaps. Dans le cadre d'événements comme « Poésie dans(e) la rue », elle croque aussi volontiers les intervenants, danseurs, poètes ou public à l'aquarelle ou au crayon dans un petit cahier. Après un passage un sein du collectif rouennais « La Page Blanche », Karine Lemoine partage maintenant son atelier rouennais avec deux autres artistes, dans un moulin, au bord du Robec. « C'est un lieu où l'on est bien, nous confie-t-elle, et il permet de peindre à l'extérieur comme à l'intérieur. C'est un lieu inspirant et plein de chaleur humaine. » Le propriétaire du moulin aime que le lieu vive. Les portes ouvertes y sont donc fréquentes.
2015 a été intense pour l'artiste. Après une exposition personnelle « Au Jardin de l'Aître » galerie et magasin de fleurs ouvert en janvier 2015, et une année scolaire avec deux classes de Yerville et un comédien metteur-en-scène, elle a été l'invitée d'honneur du Salon de Moulineaux. « Une belle expérience de fin d'année, nous dit-elle, il y avait beaucoup de monde et à l'occasion du décrochage, nous avons fait une fête où j'ai pu peindre sur le vif mes amis artistes venus chanter, lire ou jouer des saynètes. Cela contrastait avec les décrochages habituels. » 2016 promet aussi d'être riche puisqu'elle sera très bientôt l'invitée d'honneur du Salon de Printemps de Saint-Aubin-lès-Elbeuf avant d'aller peindre deux semaines durant à la Linerie de Crosville-sur-Scie avec ses amis et confrères. Puis, du 23 juillet au 7 août, elle sera l'invitée d'honneur du Salon de Criel-sur-Mer. Une artiste, à n'en pas douter, qui a le vent en poupe !
Invitée d'honneur : Michèle-Bénédicte JOUXTEL
Michèle-Bénédicte Jouxtel a toujours plus ou moins dessiné ou peint. Cependant, cela ne fait que six ans qu'elle se consacre pleinement à son art. Au fil de sa vie, elle s'est beaucoup intéressée à la bande-dessinée, notamment pour adultes – celle de Bilal, Moebius ou Loustal par ex.- et aux chevaux, en particulier à la race Quater Horse, pratiquant la monte américaine et participant à des concours de reining. Bien qu'elle ait pris des cours de peinture de temps à autre, elle considère que son « art modeste » reste celui d'une autodidacte. Et pourtant… ses études de Lettres Modernes ont été très tôt associées aux Arts-Plastiques abordés non pas de manière académique, mais plutôt en laissant libre cours à sa curiosité et à sa fantaisie personnelles. Elle s'inspirait alors de l'œuvre de Jérôme Bosch et du surréalisme, prenant aussi son miel chez Dali ou Escher, jouant beaucoup avec la fausse perspective. Un peu plus tard, elle a encore opté pour l'œuvre colorée et ludique de Niki de Saint-Phalle, Jean Tinguely, Alechinsky, Dubuffet, Combas… A l'époque, nous confie-t-elle, elle n'était pas mûre pour devenir peintre. Sa personnalité n'était pas encore construite. En revanche, elle écrivait beaucoup. Si elle n'avait pas finalement choisi la peinture, elle serait devenue écrivain et elle aurait écrit… comme elle peint !
Aujourd'hui, sa peinture laisse apparaître les nombreux aspects de sa personnalité. L'artiste affectionne les couleurs -toutes les couleurs- et toutes les nuances de ces couleurs. Les sombres comme les éclatantes, chacune dialoguant avec les autres. Elle a besoin de toutes les tonalités. Pas question de rester prisonnière de quelques-unes d'entre elles. Le réveil du peintre s'est véritablement opéré à Buchy en 2009, via la rencontre de l'artiste d'origine macédonienne Veni Gligorova Smith, alors déjà âgée. Michèle-Bénédicte Jouxtel a été spontanément attirée par la très grande liberté avec laquelle travaillait cette artiste qui a accepté de lui donner quelques cours. Des cours très silencieux, simples. Un mot par-ci, par-là, toujours empreint de bon sens. Une intervention tant minimale que primordiale, créatrice de motivation. Depuis lors, la peinture est devenue indispensable à Michèle-Bénédicte Jouxtel. Elle fait désormais partie de son quotidien même s'il s'agit là de quelque chose de compliqué et pas si anodin puisque l'acte de peindre vient très volontiers creuser en vous pour mieux vous amener à vous dépasser, vous transformer, vous enfoncer toujours plus profondément en vous-même.
« Evoluer, nous dit-elle, c'est quelque chose de constant. Une vraie bagarre, par moments. » Cette lutte se livre pour elle sur différents formats, notamment les formats paysages, les longs et les très étroits, ou le carré qui n'impose rien au départ puisque l'on peut l'envisager dans tous les sens. Le fait d'être autodidacte est pour l'artiste une véritable chance puisque son expression reste parfaitement libre, au point de s'autoriser toutes les expériences possibles. Michèle-Bénédicte Jouxtel ne veut se priver de rien. Tous les médiums sont permis : brou de noix, fusain, gouache, collages, encres, aquarelle, pastel sec ou gras… Pour l'heure, elle travaille essentiellement sur papier, le papier étant selon elle une œuvre d'art en soi. Une matière sensuelle qui forme un beau duo avec la peinture et qui parfois a été réalisé par une main humaine. Un matériau de qualité qui peut être plus ou moins fin ou épais, l'épaisseur étant ici souvent bienvenue. L'artiste a tant besoin du contact main-papier qu'elle peut hésiter longtemps avant de salir le papier de crainte de le gâcher en lui imposant tour à tour contrastes, équilibre et déséquilibre, perspectives improbables, ordre ou désordre quelquefois aux frontières de l'abstraction et souvent inspirés de notre Mère-Nature…
Invitée d'Honneur : Claire MONTOYA
Claire Montoya a grandi dans une famille d'artistes. La peinture était chez elle, comme chez tous les enfants, quelque chose de naturel et les nombreux livres d'art auxquels elle avait accès ont largement nourri son imaginaire comme son besoin d'apprendre. C'est ainsi que son premier professeur fut Paul Gauguin chez qui elle appréciait particulièrement l'équilibre, l'épanouissement et la joie au niveau des couleurs. A l'instar de nombreux confrères elle a débuté par le dessin et la figuration, notamment le portrait dont elle aimait explorer l'architecture des volumes.
Ensuite, elle est entrée aux Arts Décoratifs de Nice puis aux Beaux Arts de Paris où elle a eu le bonheur de suivre les cours de Giacometti et d'Yves Brayer, tous deux excellents pédagogues. De cette époque date l'exposition de Georges Braque au Musée des Arts Décoratifs à Paris montrant sa dernière manière post-cubiste qui l'a durablement marquée par la présence de ses sujets dans l'espace. Suit une période d'une douzaine d'années dans l'enseignement du dessin et travaux manuels en lycées et collèges ainsi que l'histoire de l'art dans un lycée technique. Ces années furent un enrichissement dans sa découverte de la créativité chez les enfants et les jeunes.
Parallèlement à l'enseignement, elle exposait une fois par an en France ou à New-York chez Profil Galerie. Puis, à l'ère des " villes nouvelles", grâce aux concours départementaux, elle a pu participer à des travaux d'équipe avec des architectes, les sujets étant principalement des "repères dans la cité" : sculptures monumentales (dont une de 10 m de long et 5 m de hauteur), fresques sur murs d'immeubles, bassins de mosaïque, cheminements piétonniers etc. Les matériaux utilisés étaient le béton blanc, le bois, la granulite, l'aluminium. D'autres réalisations ont suivi. Par ex. pour la Fondation Rostchild, le Futuroscope de Poitiers, la piscine des Clayes-sous-Bois ou le hall de l'hôpital de Beaumont-sur-Oise.
Plus récemment, à la suite du jumelage d'Arnouville avec la ville allemande de Miltenberg (au sud de Frankfort) elle a eu l'opportunité d'exposer dans les deux musées de cette ville où des œuvres ont été acquises. Une exposition individuelle à Cologne a suivi. Entre temps, elle avait découvert la Normandie où elle est installée depuis 38ans, y appréciant le dynamisme dans le domaine de la culture et de l'art et exposant à l'Abbaye de Bonport, Rouen, Les Damps, La Bouille, Vandrimare, Alizay, Bonsecours, l'Usine à Zabu ou Conches. N'oublions pas la région parisienne et ses galeries Visconti, Lavigne Bastille et Salons Réalités Nouvelles et Comparaisons.
Claire Montoya est très tôt passée à l'abstraction via l'observation de la nature, de l'infiniment petit à l'infiniment grand. Dans l'étude des minéraux et parois rocheuses, véritables bas-reliefs abstraits, elle ressent mouvement, organisation et espace. L'œuvre joyeuse et très colorée de Claire Montoya a connu un tournant essentiel dans les années 90 avec la découverte du verre Bullseye, verre à fusing proche du cristal qui lui a permis de réunir la peinture et la sculpture, en intégrant des compositions à des volumes et bas-reliefs. C'est ainsi que la lumière vient se glisser à travers ces peintures-sculptures, entre strates et couches de sable, de verre de couleur et baguettes de verre qui semblent révéler le minéral, où ses aplats aux couleurs vives voisinent avec un blanc intense, donnant à l'ensemble relief et volumes.
Ses paysages inventés ou réinterprétés sont aussi nés au Maroc de son enfance où elle a vécu plusieurs années et où la lumière très particulière permet à toutes les couleurs de s'harmoniser entre elles. La beauté du pays où tout est mouvement, ses paysages et sa culture ont beaucoup appris à l'artiste. Ses projets pour demain? Associer le verre à de nouvelles matières, la pierre ou l'ardoise par ex.
Invitée d'Honneur : Dominique CHOUMILOFF
« Peindre, c'est osé », déclare d'emblée Dominique Choumiloff. « On se montre même si on se cache un peu derrière ses toiles. Exposer, c'est s'exposer même si la peinture s'interprète. Il y a un pas à faire… » Dès le départ, l'artiste exploite deux thèmes qui lui restent chers : le dedans et le dehors. L'intérieur, l'espace privé, « la paix et la pause dans le brouhaha du quotidien ». La pause-café en quelque sorte. Elle aime les lignes de ses objets paresseux et dialogue avec eux tout en les mettant en scène sur une table conviviale, par ex. Et « les territoires », cet extérieur qui ne lui appartient pas, de grands espaces « où l'on prend l'air », déterminés par des champs aux formes géométriques et leurs couleurs spécifiques à chaque saison.
Si elle y réfléchit, elle ne sait plus très bien à quel moment elle en est venue à peindre. La peinture s'est glissée dans sa vie sans se faire remarquer. Le dessin au fusain d'abord, beaucoup de nus, des croquis rapides ; la peinture après. Elle aime la couleur et les formes. Cela fait tant partie d'elle-même qu'il lui est impossible de le traduire. Elle a exposé pour la première fois en 1997. Pour elle qui était timide, ce fut difficile… Pourtant, le premier pas était fait… et les Salons ont fait boule de neige… puis, les galeristes se sont intéressés à son travail et elle a apprécié ses expositions en galeries, plus encore qu'en Salons. « Il n'y a pas d'âge pour créer, nous dit-elle, et mon style est intemporel comme bien d'autres. Les styles de Picasso, Braque ou Matisse, par ex. n'ont rien de « datés ».Dominique Choumiloff se considère davantage comme une artiste moderne que contemporaine. Au fil d'une vie rapide, elle cueille les petits bonheurs, les petits plaisirs du quotidien. Ce sont des pauses où elle travaille tout en éduquant son œil.
« L'éducation de la mémoire de l'œil est très importante, souligne-t-elle. C'est l'œil qui a le catalogue, c'est lui le déclencheur car la peinture passe avant tout par ce que l'on voit. » Chez elle, le geste est ample. Il a besoin d'espace, de grandes toiles. L'artiste ne veut surtout pas se sentir coincée dans un petit format. Comment travaille-t-elle ? D'abord, elle efface l'espace blanc de la toile, sans réfléchir. Elle suit sa pente naturelle. C'est la toile qui l'emmène, qui la guide. Elles dialoguent entre elles. La toile lui parle et si l'artiste n'est pas d'accord, elle peut se fâcher et provoquer le hasard en laissant des empreintes de tout ce qui peut permettre de bousculer la conversation. Elle colle, décolle, recolle, gratte, fait des striures, provoque à nouveau la toile, lui rentre dedans, prolonge le dialogue autant qu'elle le peut… mêlant l'ordre à la fantaisie, observant les réactions de la toile. Cela se poursuit jusqu'à ce que toile et artiste soient satisfaites du résultat obtenu.
« Quand a-t-on terminé ? s'interroge Dominique. Grande question… Qui doit avoir le dernier mot ? C'est une sorte de jeu. Parfois, il est nécessaire de laisser la toile reposer, de faire autre chose, de reposer son œil. L'œil du matin vous dit beaucoup de choses. Il est à l'écoute de l'oeuvre qui, comme elle, a besoin de respirer. Il ne faut pas la bloquer. Il y a une vie là-dedans. Un truc en plus peut être « trop » et tout gâcher. Le tableau s'éloigne de vous. Il faut le récupérer. » Dominique peint-elle une toile à la fois ou s'attaque-t-elle à plusieurs sujets en même temps ? Cela dépend… Si elle ressent bien son travail, elle peut se limiter à la première. Sinon, elle recommence pour s'échapper de l'autre. Il arrive aussi que plusieurs toiles soient en attente dans l'atelier. Cela peut durer plusieurs mois ou plusieurs années. L'artiste peint toujours en atelier. « L'extérieur, c'est juste pour la promenade », dit-elle. « ou le jardinage… », autre centre d'intérêt de Dominique.
A Elbeuf, Dominique Choumiloff présentera une bonne dizaine de toiles illustrant bien sa démarche : le dedans et le dehors. Des toiles simples, des diptyques, des triptyques… qui font un bon parallèle avec les œuvres de Claire Montoya. Chez elle aussi de la couleur, moins flamboyante peut-être que chez sa consoeur. Plus sobres, avec de belles harmonies. Citons pour exemples, son diptyque « Quelque part » (le dehors) ou son triptyque « Dans la maison » sur fonds rouges (le dedans). Un intérieur recréé par le regard. Puis, un nouveau paysage entrevu, « Il existe un endroit », un arbre solitaire entre bleus, jaunes et verts, « Ici ou ailleurs ». Des champs bleus, verts, jaunes, blancs… « A travers champs ». Une dominante bleue avec une tache rouge, « Territoires bleus ». Des natures mortes encore, « La table aux pommes », « Les deux bouteilles ». Une jolie composition également et de belles harmonies de couleurs pour « Au gré des champs »… Champs et paysages du dehors vers lesquels iraient tout naturellement notre préférence…
Invitée d'Honneur : Elisabeth BESNIER
Elisabeth Besnier est encore une jeune peintre puisqu'elle ne s'adonne vraiment à son art que depuis 6 ou 7 ans. Pour elle, l'aventure a commencé au cours des années 2000 via une boîte d'aquarelles qui lui fut offerte. Jusque là, elle n'avait fait que suivre son penchant pour les choses manuelles : le dessin, la décoration de sa maison, le carrelage ou la mosaïque, la customisation de cassettes etc. Elle s'est vite piquée au jeu de l'aquarelle et s'est tout aussi vite rendu compte qu'elle avait besoin d'aide. Régis Bouffay, qui fut l'invité d'honneur du Salon des Œuvres sur Papier de Caudebec-lès-Elbeuf en 2014, devint son professeur. Chez lui, elle a peint des natures mortes, des compositions et bientôt, des modèles vivants que l'enseignant avait eu l'extrême courtoisie de faire venir à l'atelier une semaine sur deux, en bonne partie pour elle qui, spontanément, fut tentée de reproduire des personnages. Quelquefois encore, elle allait peindre sur le motif avec le groupe de l'atelier.
6 années furent consacrées à l'aquarelle, puis elle passa à la peinture à l'huile, plus souple que l'aquarelle, puis au couteau, instrument avec lequel elle se sentit dès le départ étrangement à l'aise. « Un couteau, nous dit-elle, est un instrument familier. Nous nous en servons toute la vie. » Cependant, elle ne tarda guère à remettre son travail en question. Ce qu'elle faisait chez Régis Bouffay ne lui suffisait déjà plus. L'attitude des modèles ou l'expression de leur visage ne la satisfaisaient pas toujours. Devait-elle continuer à peindre les modèles sur place ? « Les choses évoluent. On les fait aussi évoluer, nous confie l'artiste, on apprend pour se libérer de ce que l'on a appris. » Rapidement, elle a quitté l'atelier de Régis Bouffay et photographié ou filmé ses modèles, saisissant au vol un geste ou une expression qu'elle peignait ensuite en solitaire dans son propre atelier. Ce procédé reste la base de son travail.
Aujourd'hui, elle peint moins de personnages « de pied en cap ». Elle opte davantage pour le portrait et, depuis peu, se rapproche de la scène de rue, de la foule. Son inspiration la fait bouger malgré elle. Ce n'est plus elle qui décide. Les portraits laissent un peu de blanc sur la toile qui s'allège ainsi. La représentation du couple la tente également. Elle a bien essayé… mais pour l'heure, le résultat ne lui convient pas. Elle songe aussi au paysage que, jusqu'ici, elle a toujours peint en groupe, sur le motif, avec l'atelier de Régis Bouffay. « On travaille autrement seul ou en groupe, souligne Elisabeth Besnier. J'ai besoin d'un coup de cœur et d'un gros travail de recherche. Il faut que cela passe par l'émotion. » Le coup de cœur pour un paysage, elle ne l'a pas encore eu. Mais… peut-être un paysage aura-t-il bientôt un coup de cœur pour elle ?
La préférence de l'artiste va plutôt aux grands formats qu'aux petits qui limitent sa gestuelle. Il lui faut de la place pour travailler. Pourtant, pour le moment, elle n'ose pas non plus aborder un format trop grand. Cela viendra avec le temps. Depuis peu, sont apparus sur ses toiles, de grands traits qu'elle trace d'un geste ample, un peu à la manière dont Zorro signe sa victoire sur ses adversaires. Ces traits-là sont venus spontanément, dans l'indiscipline la plus totale, puis ils se sont laissé dompter. « Il faut rater beaucoup de toiles et se poser de nombreuses questions, nous dit l'artiste, avant de réussir une œuvre. L'échec est une bonne chose. Il est le moteur d'autre chose. Le parcours est plus important que la toile achevée. On ne parle jamais assez de ce qui se passe au cours de l'inspiration, de toutes les questions que l'on se pose au fur et à mesure que l'on peint, de tout ce bonheur ressenti même lorsque l'on n'est pas content de son travail. Dommage qu'on oublie la démarche pour ne retenir que le résultat. »
Invité d'Honneur : Michel ABDOU
Invité d'honneur du Salon des Œuvres sur Papier de Caudebec-lès-Elbeuf, Michel Abdou y présente une vingtaine de moyens formats et 4 petits formats. Une majorité de paysages ou de jardins ouvriers dont l'atmosphère très particulière le touche beaucoup, et quelques marines… ou plutôt bords de mer à marée basse… car l'artiste, qui « n'est pas marin du tout », affectionne plus encore le Port d'Erquy (par ex.), lorsque la mer s'est retirée. Pour lui, à ce moment de la journée (ou de la nuit), « le bateau incliné existe d'une autre manière. Il devient une sorte de personnage ».
« Quand on commence à peindre ou à dessiner un paysage, nous confie-t-il, il est abstrait dès la première touche. » Il connaîtra ensuite plusieurs étapes avant de devenir ce que le visiteur peut admirer aujourd'hui. Le peintre -« figuratif, un peu classique », c'est ainsi qu'il se définit- travaille sur le motif, choix que les artistes « modernes » font de moins en moins, et tient à cette première étape en extérieur qu'il peaufine ensuite dans son atelier. Bien des années après son premier coup de pinceau, il garde le même plaisir à planter son chevalet devant un paysage. Dans l'ensemble, sa gamme est assez grise à l'instar du marais poitevin qui fut pour lui une bien belle rencontre. Au niveau graphique, ses bosquets, saules, eaux sombres et reflets sont très intéressants à traiter.
Enfant, Michel Abdou était à la fois « grand lecteur et grand rêveur ». Il dessinait souvent, sans se douter cependant qu'un jour cela prendrait de l'importance dans sa vie professionnelle et dans sa vie tout court. Nous dirons qu'au fil des années, le dessin l'a « accompagné un peu ». Il a une quinzaine d'années quand il commence à quitter progressivement le foyer familial et découvre la musique qui, elle aussi, comptera beaucoup. Après son service militaire, au tout début des années 70, il retrouve un camarade avec qui il a partagé ces mois si particuliers dans la vie d'un garçon. Chez lui, il rencontre un fusain et il est fasciné. Il apprend alors que le jeune homme, pâtissier-chocolatier dans le civil, dessine et prend des cours du soir aux Beaux-Arts de Rouen.
C'est ainsi qu'il s'y inscrit à son tour dès la rentrée suivante. Le niveau des cours du soir est excellent et les candidats sont nombreux. Avant d'y accéder, il faut montrer patte blanche… mais Michel est sélectionné. Alors, il s'inscrit partout : fusain d'abord, découverte de l'art, puis sculpture et décoration. Ses professeurs seront André Mouillé, René Leleu et plus tard, lorsqu'il aura finalement opté pour la peinture, Christian Sauvé. Quatre années durant, il y passera quatre soirées sur cinq. Parallèlement à ces cours, il travaille dans le bâtiment pour le compte d'un patron. Il s'agit là d'un métier très prenant et très fatigant. L'artiste décide rapidement de s'installer à son propre compte en tant que peintre décorateur, ce qui lui permettra d'aménager ses horaires afin de poursuivre avec moins de contraintes son travail personnel.
Son premier coup de cœur dans le domaine pictural et plastique, est allé spontanément vers l'art égyptien dont il admire la spiritualité exprimée en petit ou grand format, sous forme de peintures ou de sculptures. Pour lui, apprendre en dessinant ou en peignant, fut « un merveilleux voyage dans l'art pictural », l'art antique étant le socle de l'apprentissage, dit académique, de l'histoire de l'art. Gauguin l'a aussi beaucoup marqué par sa vision synthétique de l'œuvre, son éclectisme et l'extraordinaire intensité de ses couleurs. Van Gogh encore, pour sa sincérité, et entre tous les Impressionnistes, Manet qui nous dit « tout » avec un minimum de touches. Cézanne pour ses constructions, la hardiesse de ses mouvements, de ses couleurs. Puis les abstraits dont la palme revient, selon lui, à Chu Teh-Chun, découvert voilà une quinzaine d'années au Palais des Consuls et qu'il compare volontiers à Turner.
Lorsque Michel Abdou peint un paysage, c'est à ces magnifiques artistes qu'il pense. A leur démarche, à leur rythme… « Un peintre doit continuer à peindre, nous dit-il, il y trouvera toujours son compte. » Même si à une époque dont le maître-mot est « Communication », la communication, justement, est de plus en plus difficile. Car, pour être vu, un artiste a besoin d'être relayé par la presse, par la critique. Sans le soutien des journalistes, un artiste ne peut que mourir, du moins pour le grand public. Comme tant d'autres de ses confrères, l'artiste enseigne également son art à Rouen, le mercredi après-midi et en soirée (8 personnes maximum). Il propose également des stages d'une journée ou deux.
Invité d'Honneur : François PRISER
Le peintre François Priser – dont l'œuvre est internationalement connue et reconnue - est né à Yvetot au début des années 50. Moins de vingt ans plus tard, il rencontrait
pour la première fois un artiste qui compte encore beaucoup pour lui, Gerhard Richter. C'était aussi le temps des premières expositions collectives. Vers la fin des années 70,
il fréquente Paul Rebeyrolle, rencontre Daniel Buren et se rapproche peu à peu de l'art conceptuel. En 1980, il s'installe à l'Abbaye d'Ouville qui, un an plus tard, deviendra
Centre d'Art et de Recherche. A cette époque, il rencontre aussi le peintre catalan, Xavier Oriach, fondateur du Centre d'Art Contemporain de Jouy-sur-Eure et Pierre Tal Coat.
Au mitan des années 80, il effectue plusieurs voyages d'étude à Venise et à Florence et une nouvelle porte s'ouvre. Celle du Théâtre avec la réalisation de décors pour la comédie
musicale « Godspell » au Théâtre de la Porte Saint-Martin à Paris.
En 1987, un séjour à Bogota (Colombie) lui permet de rencontrer nombre d'artistes et intellectuels dont Antonio Grass, peintre et spécialiste des arts préhispaniques en Colombie.
Cette même année, il fait aussi la connaissance de Jean-Jacques Lesgourgues, important collectionneur avec lequel il travaillera une quinzaine d'années (Collection CAVIAR) et
obtient le Grand Prix de l'observatoire de prospective à Rouen avec la toile « Ficci Campus » acquise par le FRAC de Haute-Normandie. A la fin des années 80, la production
Arrêt sur image réalise un film vidéo sur ses œuvres au goudron : Priser entre les déchirures. Lui-même s'attaque à la scénographie de « Nationalité Française » signé Yves Laplace
et mis en scène par Hervé Loichemol au Théâtre Patino de Genève et au Théâtre National de la Colline à Paris, puis en 90, à celle de « Madame de Staël ou La communauté des esprits »
de Yves Laplace également mis en scène par Hervé Loichemol au Théâtre de Poche de Genève. Dans les années 93 à 96, le Festival de la Bâtie (Genève) lui commande une installation pour
les « Journées de Voltaire à Sade » : Monsieur le 6 ».
En 1997, il s'installe à Séville (Espagne) où il rencontre encore moult artistes. Il expose également à l'Institut Français et à la galerie Sibila, donne des conférences et réalise
la scénographie de « Nuit pâle » au Palais de Catherine Anne, Théâtre des Agités à la Maison de la Culture d'Amiens, à la Scène Nationale de Poitiers et au Théâtre de la Bastille à
Paris. Au cours des années suivantes, les conférences et débats se multiplient et à New-York, il rencontre Paul Auster en vue de la création théâtrale d'un texte inédit « Laurel et
Hardy vont au paradis » dont il va réaliser la scénographie, les décors et les costumes. A l'aube des années 2000, il expose « Les vents » à l'Abbaye Saint-Georges de
Saint-Martin-de Boscherville et débute une étroite collaboration avec l'atelier de gravure « De la pierre aux pixels », notamment avec son responsable technique, Philippe Martin.
En 2002, il dessine l'affiche et réalise les décors de « Léonce et Léna » de Georg Büchner, mis en scène par Philippe Faure et Jean-Pierre Berthomier à Poitiers, puis l'affiche des
« Septièmes semaines européennes des orgues de Rouen » avant de réaliser les décors peints pour les «Cérémonies du Bicentenaire de la Création de la Légion d'Honneur » au Théâtre des Arts de Rouen.
Peu après, « De la pierre aux pixels » édite une suite de dix estampes numériques : « Typonyme », Edition « Les Vents indigènes », série en porte-folio de dix gravures, pointes-sèches
et eaux-fortes. En 2005, réalisation de l'affiche pour le Festival de chant choral « Voix de Fête » de Rouen. Entre 2006 et 2010 sortent les films « Dans ma nuit », documentaire réalisé
par Marc Toulin et coproduit par FR3 Normandie, et « Mille Sabords », à partir de son travail sur Bertha Galeron de Calonne. Plus près de nous, entre 2011 et 2013, il a réalisé les scénographies
de « Rouen givrée » pour la ville de Rouen, l'éclairage des espaces publics et une installation sur les rives de l'Ile Lacroix. Ce fut aussi l'heure de la création d'une association
réunissant amis et collectionneurs dans le but de promouvoir et de valoriser l'œuvre de François Priser : Philocalie.
L'œuvre de François Priser ne se limite pas au dessin et à la peinture. Il a aussi une production littéraire conséquente dont la qualité n'a rien à envier à celle de sa peinture.
Son rayonnement intellectuel est très large. Il a aussi donné de nombreuses conférences à travers le monde. Au début des années 70, il avait déjà beaucoup écrit, notamment une longue
suite poétique, puis il s'est bientôt intéressé au mouvement de la Poésie sonore ce qui lui a permis encore de multiples rencontres dont celle de l'écrivain Henry Miller. Au cours des
premières années 2000, il s'est lancé dans la rédaction d'un roman autobiographique, « prétexte à des propos sur l'engagement artistique » : La leçon de peinture. En 2005, le voilà en
contact avec une cinquantaine de lettres de célébrités telles que Pierre Loti, Mallarmé, Carmen Sylva ou Maurice Levaillant, adressées à Madame Bertha Galeron de Calonne (1859-1936),
poétesse sourde et aveugle. Entre 2011 et 2013, il a rédigé une série d'ouvrages sur le 18ème siècle à la veille de la Révolution, plus précisément sur la science des ballons, le théâtre
français et Charles Alexandre de Calonne, arrière-grand-père de Bertha, Ministre et Contrôleur général des finances de Louis XVI. En cette année 2014, l'artiste publie « Lettres à Sade »,
dialogue d'outre-tombe entre cet étrange personnage qui aujourd'hui encore reste d'actualité et nos contemporains. L'ouvrage paraît sous la direction Catriona Seth aux Editions Thierry Marchaise.
Sort également « Par-dessus toute chose » aux Editions Area avec une préface d'Alain Ducrocq. Pour fêter dignement l'événement, François Priser expose son travail au Havre (Galerie Production Autre)
et à Paris (Galerie Area).
L'œuvre de François Priser n'a jamais recherché la ou les modes. Elle est atypique, intemporelle et elle se renouvelle constamment. Les compositions aussi rigoureuses qu'harmonieuses,
les recherches du côté de la matière – l'artiste utilise notamment le noir goudron, papier d'emballage tramé utilisé par les mareyeurs fécampois -, les craquelures et effets de matière
qui souvent prolongent le geste, nous conduisent tout droit entre deux mondes, celui de l'abstraction et de la figuration. La réflexion philosophique revient sans cesse nourrir des thèmes
qui tournent fréquemment autour de l'eau, de la mer, des pierres, des arbres et des plantes, ou du temps. De l'humour aussi dans un univers ou la présence humaine, bien palpable,
reste sous-jacente. Devant les somptueuses toiles de ce magnifique artiste, nous sommes confrontés à nos propres silences, à notre propre solitude. Notre propre imaginaire est sollicité.
En ce qui me concerne, le jour où je me suis trouvée face à son œuvre, juste quelques mots me sont venus : « Un peintre. Un vrai. »
Cette année, les deux invités d'honneur du Salon d'automne vivent et travaillent en Normandie. Pour autant… et loin s'en faut… ils ne sont pas dénués de talent. Comme quoi... Rien ne sert
d'élargir nos frontières. Nous avons ici, en Normandie, des artistes qui méritent largement d'être mis à l'honneur dans les divers Salons de l'agglomération elbeuvienne.
Invité d'Honneur : Jean-Marc de Pas
Rien ne pourrait mieux définir l'homme et le sculpteur qu'est devenu Jean-Marc de Pas que cet extrait de sa thèse, « Le malléable et sa pétrification – essai poétique sur une pratique sculpturale »
(Presse Universitaire du Septentrion à Lille). Via cette glaise, cette terre, - son matériau préféré - l'artiste modèle des visages et des corps pleins de grâce et d'harmonie en petit ou en très
grand format depuis quelque vingt-cinq années. Cependant, son œuvre majeure restera son « Grand jardin des sculptures » qu'il peaufine sans trêve depuis son entrée dans l'âge adulte, moment où
il a reçu en héritage le lieu magique qui nourrissait son imaginaire depuis l'enfance : le château de Bois-Guilbert et son vaste parc qu'émaillent aujourd'hui soixante-dix sculptures qui prennent
toutes leurs aises dans l'espace, où l'on peut aussi se perdre ou trouver son chemin sans difficultés à travers un labyrinthe végétal. Ce « Jardin des sculptures » a vu le jour dès 1988. Il a été
conçu et aménagé sur sept hectares. Actuellement, cinq nouveaux hectares se préparent à l'agrandir et il fait d'ores et déjà partie de la plus belle collection de promenades des Parcs et Jardins de
Haute-Normandie. Différents guides nationaux ou régionaux, tels les ouvrages des Editions normandes Christine Bonneton, vantent aussi son charme.
Jean-Marc de Pas est tout aussi paysagiste que sculpteur. Il sculpte toujours en tenant compte de ce qui pousse sur la terre. Qu'elles soient en terre, en bronze ou dans des matériaux plus contemporains,
les œuvres sont conçues comme faisant partie d'un tout. La poésie habite chaque recoin du lieu, des souvenirs aussi, toute une histoire qui a laissé ici et là son lot de symboles. Depuis l'an 2000,
l'artiste travaille également sur un Projet de Jardin de sculptures en hommage à Saint-Exupéry en Russie, sous l'égide de l'Ambassade de France et de l'Alliance Française, avec le soutien de la
famille de l'écrivain-pilote. Au début des années 2000, il a encore conçu plans et sculptures sur les Hauts de Rouen et le Jardin de la paix à Maharès, en Tunisie.
Son parcours de sculpteur démarre à proprement parler dans les années 90 : des trophées, des figures connues comme celles de l'abbé Pierre, Marcel Dassault, Jean Gabin, Saint-Exupéry, la Comtesse
de Paris, Guillaume le Conquérant, dix bustes en bronze de nos « Grands navigateurs » destinés au Pont Boieldieu de Rouen ou de Laetitia Casta (dont le buste de la « Marianne de l'An 2000 » est
arrivé second au concours national) réalisés en bronze ou en résine - ou dans un mélange des deux –. Un bronze de Balzac encore, commande de la DRAC pour la station Balzac du Métrobus de Rouen,
bustes de Ptolémée et Galilée (staff) exposés au Musée de l'Air et de l'Espace dans le cadre du Salon du Bourget 2007. Ou des œuvres inspirées tout droit de la mythologie : « Gaïa », « Eole »,
« Ondine »... Et puis, des œuvres monumentales comme « La Fontaine des trois sources », bronze d'une hauteur de 2,40 mètres à Forges-les-Eaux, « La femme ailée », bronze de 2 mètres installée à
Canteleu, les « Femmes des cinq continents » (performance en public à l'occasion de l'Armada 2008 – Rouen), ou « L'arche d'alliance », « Le cadran solaire », « L'escalier du temps »,
(Jardins de Bois-Guilbert),
Diplômé des Beaux-arts de Paris et de l'Ecole Boulle, Docteur en philosophie et sciences de l'art, Jean-Marc de Pas a désormais derrière lui une œuvre impressionnante, notamment moult sculptures
monumentales installées sur des places publiques, dans des entreprises ou chez des particuliers. Outre sa publication de la thèse évoquée ci-dessus, il a également fait paraître « Nature et Création »
in « Poïétique et Culture » (Edition Biruni/Arcantère – Paris).
Invitée d'Honneur : Marie-Reine COMPTIOS
D'abord, Marie-Reine (dont la signature d'artiste se limite à son prénom) a montré son travail à Elbeuf-sur-Seine, Caudebec-lès-Elbeuf et Saint-Aubin-lès-Elbeuf,
où il a été remarqué, encouragé puis primé. Pour elle, être aujourd'hui l'invitée d'honneur du Salon de Saint-Aubin-lès-Elbeuf est une forme de couronnement de
ses efforts, une stimulation de sa créativité, un encouragement « à aller plus loin ».
Autodidacte, elle est artiste professionnelle « à 200% » depuis 2004. N'ayant pas trouvé tout à fait son miel dans ce qu'elle a pu faire auparavant (théâtre, arts-martiaux,
service public…), il est venu un jour où elle a ressenti un besoin impératif d'exprimer par la peinture, la sculpture, le dessin ou la gravure, tous ces mondes qui
l'habitaient et qui ne demandaient qu'à déborder afin « d'aller au bout de ses intentions », à savoir « être soi-même avec soi-même jusqu'au bout du cheminement ».
En « cherchant sa petite porte », elle a fini par trouver sa « petite fenêtre » en passant par une phase de travail des plus intimes qui ne peut qu'élever l'esprit avant de
s'ouvrir peu à peu au public. Si les arts-martiaux font appel à l'esprit autant qu'au corps physique, le travail sur toile ou la sculpture sont aussi un réel corps à corps
qui met l'artiste aux prises avec la fulgurance de nombreux flashes qui, pour ce qui est de quelques-uns, finiront par lui faire atteindre une certaine jouissance.
Marie-Reine a vécu en Afrique une enfance atypique qui l'a tôt placée face aux conditions de vie difficiles des femmes. Depuis lors, elle poursuit un combat personnel qui
la pousse vers l'émancipation et l'indépendance de la femme, d'autres femmes lui ayant servi de modèles. La parité est son maître-mot. Elle rêve « d'une femme sans voile
et sans contrainte qui choisit elle-même sa destinée ». En quelque sorte, à l'instar de l'écrivain Clarissa Pinkola Estes, elle ne cesse d'explorer « la femme sauvage »
qui est en elle afin de la libérer du carcan dans lequel nos sociétés se plaisent encore et toujours à enfermer les femmes, y compris en Occident quoi qu'on en dise.
Bien sûr, il s'agit là d'un combat de tous les jours qui ne peut que venir faire écho à l'œuvre picturale de l'artiste qui tend à mêler les techniques classiques et
contemporaines, les faire contraster via diverses matières, à l'image de la vie même. Une recherche particulière et un procédé distinct pour chaque œuvre qu'il s'agisse
de peinture ou de sculpture, ou d'ailleurs de tableaux-sculptures. Deux de ces derniers seront visibles à Saint-Aubin-lès-Elbeuf, mettant l'accent une fois encore sur
l'idée de parité. Un homme, une femme, un même concept : « Le corps de la femme appartient à la femme ».
Citons encore quelques œuvres très récentes, « Evolution de la vie des femmes en marche » dans une dominante bleue, un mélange de techniques anciennes et contemporaines,
sorte de laque qui représente les différentes couches de nos vies. Un diptyque « Les femmes au Panthéon », tableau évolutif qui deviendra triptyque dès 2015 avec l'arrivée
de deux femmes au Panthéon. Un autre triptyque que nous ne verrons pas au Salon reprend aussi les dates-clés de l'avancée des femmes.
Depuis 2005, Marie-Reine enseigne aussi son art. Ayant vécu autrefois près des lépreux africains, elle ouvre aujourd'hui son atelier aux personnes en situation de handicap.
Il s'agit là « d'un lien entre ce qu'elle est, ce qu'elle fait et ce qu'elle créé ». Dotée d'une grande curiosité, sans aucun doute nourrie par les multiples univers aussi
hétéroclites que différents dans lesquels elle baigne depuis l'enfance, Marie Reine aime aussi « découvrir, regarder et apprécier ce que font les autres ». « C'est par la
rencontre, nous dit-elle, que la synergie se fait ».
Le Salon de Saint-Aubin-lès-Elbeuf permettra au public de découvrir une petite trentaine d'œuvres de l'artiste. Nous en avons évoqué quelques-unes. Issues de ses périodes
Bleu de Prusse, Rouge Elios ou Noir de Mars…, citons encore : « Souvenirs d'amours », « Holocauste », « La voix de la création », « Pas de Fraternité sans Egalité et Liberté »,
« Le Yin et le Yang », « Colère noire 2 », « Notre Eternité », 2 « Voies lactées » et toutes les surprises que Marie-Reine nous concocte.
Le Salon d'Automne de la Société des Artistes d'Elbeuf Boucle de Seine fête cette année son 65ème anniversaire. La première exposition fut, en effet, organisée du 16 au 24 octobre 1948
à la propriété Weill - au numéro 3 de la rue d'Alsace à Elbeuf - à l'initiative de quelques peintres elbeuviens qui décidèrent de fonder une association afin de montrer leurs œuvres
au public. Elle regroupait 18 artistes dont Louis et Lionel Vergetas, Albert Blin, Marcel Martin, Eugène Courteheuse, Gabrielle Vasse… et avait pour invité d'honneur Roland Dufils.
L'événement obtint un franc succès.
Le premier président de l'association fut Louis Vergetas, peintre et restaurateur de tableaux réputé (il travaillait pour le Musée du Louvre). Il anima le groupe onze années durant,
puis passa le relais à Monsieur Briand en 1960 et dès 1961 à Albert Blin jusqu'en 1965, date à laquelle la Société Amicale des Artistes Elbeuviens et des environs comptait déjà une
cinquantaine de membres. En 1965, le nouveau président, Lucien Hainneville innove les invités d'honneur, formule adoptée dès la première exposition et rejetée dès 1949, chacun des
peintres présentant alors une quinzaine de tableaux. Grâce à Lucien Hainneville, peintre et élève de l'Ecole d'Elbeuf animée par Lionel Vergetas, l'Amicale amorcera une belle progression.
En 1970, Lucien Hainneville démissionne et demande à Claude Lamboy de bien vouloir lui succéder ce qu'il fit jusqu'en 1996 avec l'aide précieuse de Roger Potel, secrétaire et cheville
ouvrière des projets élaborés pour donner un nouvel élan à l'Amicale. Eliane Grouard, secrétaire à son tour depuis 1984, le relaiera jusqu'à aujourd'hui. Elle sera la première femme
à présider la Société qui, à plusieurs reprises, au fil de son histoire a changé de nom, l'aura des Salons de l'agglomération elbeuvienne s'élargissant jusqu'aux galeries et Salons
parisiens.
Jusqu'à l'arrivée de Claude Lamboy à la présidence, le Salon d'Automne était le seul événement pictural de l'année et les peintres travaillaient essentiellement dans le but d'y proposer
leurs œuvres. Dans l'intérêt de la Société et des peintres, Claude Lamboy et Roger Potel choisirent de créer un nouveau Salon qui ouvrit ses portes pour la première fois au printemps 1973
à Cléon, à l'initiative du maire de la commune, Monsieur Luce. Pour des raisons pratiques, le Salon de Printemps, essentiellement voué aux nouveaux talents, fut ensuite transféré à
Saint-Aubin-lès-Elbeuf avec l'accord de la municipalité cléonnaise. Au vu de la qualité et du succès grandissant des Salons, plusieurs autres communes de l'agglomération sollicitèrent
l'Amicale pour créer le leur. C'est ainsi que naquit, au début des années 80, le Salon du dessin et de la peinture à l'eau de Caudebec-lès-Elbeuf, devenu entretemps le Salon des oeuvres
sur papier.
Cette Société qui, dans un premier temps, était une Amicale, a longtemps gardé son esprit d'origine. Chaque Salon avait son invité d'honneur choisi parmi les artistes de la Société qui
a connu d'illustres peintres. Depuis une vingtaine d'années, un sculpteur est également invité d'honneur du Salon d'Automne. Quelques exemples d'invités d'honneur : Georges Wakhévitch,
Christian Sauvé, Georges Blouin, Hubert Bocquet, Vincent Lajarrige, Patrice Delaune, Patrice Thibout, Alain Chavatte, Jean-Louis Filoche, Antoine Josse, Odile Rousselet,
Marie-Christine Aulnay, Alain Husson-Dumoutier, Jean-Paul Chablais, Christophe Ronel, Coskun, Denis Monfleur, Hélène Legrand, Hun-Sook Shin, Yves Garandel, Patrick Charrier,
Myriam Delahour, Gao Zengli, Noh Jung Suk, Marguerite Noirel, Albena, Daniel Burgart, Francis Caudron, Michel Lecomte, Alain Colliard, Yvon Neuville, Janou Legoy, Tetsuo Harada,
Derzou, Annick Delarue, Karim Jaafar, Manuel Gomes, Patrick Lainé, Pascal Frémond, Michel Buret, Françoise Giannesini… La liste pourrait encore être longue…
Au fil de son histoire, l'association a toujours été chaleureusement soutenue par les différentes municipalités de l'agglomération qui décernent chaque année un certain nombre de prix
ainsi que par la presse locale et régionale. Les contributions de l'écrivain Roger Bésus qui consacrait une double page du Journal d'Elbeuf à chaque Salon ne fut pas sans incidence sur
le rayonnement de la Société. Sa finesse d'analyse et sa culture donnèrent une nouvelle impulsion au travail de l'équipe. Vers la fin des années 80, Luis Porquet, écrivain et journaliste
, prit le relais de Roger Bésus qui n'était autre que son parrain littéraire auprès de la Société des Gens de Lettres de France. Ce dernier finit par doubler l'espace consacré aux échos
des Salons dans la presse locale. Au bout de 25 ans, l'écrivain mit fin à cette longue collaboration en proposant à Elisabeth Le Borgne de lui succéder. Depuis le printemps 2013, invoquant
des raisons financières, le Journal d'Elbeuf renonce hélas ! à la publication de la critique détaillée des trois Salons que le public pourra désormais retrouver sur le présent site.
Signalons aussi le fait qu'à l'origine du Salon d'Automne, pas moins de 27 commerçants-annonceurs défendaient ses couleurs. Aujourd'hui, ils ne sont plus que… 4 ! Les programmes des Salons
annonçaient également que la publicité, les toiles et étiquettes étaient offerts gracieusement à l'Amicale par Monsieur Deworm, décorateur à Saint-Aubin-lès-Elbeuf.
Elisabeth LE BORGNE, critique d'art
(Sources : Texte de Claude Lamboy rédigé à l'occasion du 50ème anniversaire du Salon d'Automne et informations réunies par Eliane Grouard, actuelle présidente.)
Photos du salon :